De Cunha à Paraty
Lors de la dernière
journée, nous finalisons notre voyage avec une cerise sur le gâteau et
seulement un rayon cassé comme accident de parcours, dévalant la bonne vieille serra de Cunha jusqu’aux eaux
de la baie de Paraty .
Après quelques
heures de pédalage, sur la route Cunha-Paraty, nous remarquons un curieux
autant qu’efficace moyen de transport : une “moto/camionnette” qui roule sur le
bas-côté dans la même direction que nous mais de l’autre côté de la piste.Le chauffeur
semble transporter un sanglier à l’arrière du véhicule, tout à coup il
s’arrête. Nous faisons de même. Je descends du vélo la caméra à la main. Je
n’avais jamais vu de sanglier vivant. Je suis un peu déçue.C’est juste un cochon roux qui transpire à grosses gouttes à cause de la chaleur. Fier comme Artaban, son propriétaire me dit que son “pet” s’appelle “Tchutchuca”! Oui, c’est vraiment son nom, Tchutchuca ! Même en portugais, ça sonne d’une manière assez marrante. Nous parcourons 30% d’asphalte lors de la première partie du trajet, puis 50% de terre et encore 20% d’asphalte pour la troisième partie, jusqu’à arriver à Paraty. Sur l’asphalte, malgré la chaleur, nous ne peinons pas beaucoup, tout est sous contrôle jusqu’à l’arrivée à la serra de Cunha.
Le plus grand
défi de notre dernier jour sur la Route Royale est la Serra de Cunha. Nous ne
savons pas comment les freins vont réagir. Mathieu me promet qu’il va rouler
doucement. Pour l’avoir déjà faite à vélo, nous sommes conscients que cette
descente est assez « punk ». Celui qui est à
l’arrière du tandem n’a pas le temps ni la vision nécessaire pour prévenir une
chute dans une telle descente. Il faut
sentir le mouvement, suivre le commandement du capitaine, fermer les yeux et
prier pour ne pas déchausser du cale-pied, chose qui m’était déjà arrivée
auparavant.
Dans l’ultime
descente de la Serra de Cunha, j’ai
beau hurler :“j’ai déchaussé, Mathieu, j’ai déchaussé !”, le tandem, dévale la
pente tel un fou furieux et me balance pour ainsi dire dans la Serra do
Mar. Si je tombais, Mathieu ne le verrait même pas. Et voilà, aujourd’hui,
au milieu de la Mata Atlântica à
l’odeur de terre et de feuillage, c’est le début du “commencement de la fin”, on
sait que, en terminant la serra de Cunha, notre voyage va se
diriger vers une mort douce et lente.
Le capitaine
garde le cap en douceur et se relâche enfin. C’est génial! Hallucinante cette
descente ! Cette fois-ci, je sens plus en sécurité et j’y prends plus de
plaisir….jusqu’à ce que le frein soit momentanément aux abonnés absents puis
daigne, sans autre forme d’explication, répondre à nouveau quelques longs
instants plus tard ! Mathieu attend le
moment propice pour arrêter le tandem. Le
frein à disque est en surchauffe ! Un rayon s’est cassé. Nous en
profitons pour nous désaltérer tout en nous perdant en conjonctures sur les
éventuelles conséquences qu’auraient pu entrainer cet incident. Nous regrimpons
finalement sur notre monture pour clore le trajet.
Il est presque 3
heures de l’après-midi et nous mourrons d’envie de nous refaire cette descente
une fois de plus dans la journée. Mais on
préfère aller déjeuner dans un restaurant entouré de cascades d’eau peu avant l’entrée
de Paraty. Ce n’est pas un
sentiment de “victoire” qui nous étreint mais plutôt une sensation post-orgasmique,
sauf qu’au lieu de fumer une clope, on retire nos casques pour commander
un plat de spaghettis « maison ».
Avant de sortir
du restaurant, nous allons nous baigner sous une cascade. En l’espace de
quelques minutes, nous sommes à Paraty. Nous déchargeons
les bagages à l’auberge, sans aucune poussière sur le corps après notre bain
improvisé, et le compteur indique 68.20 km parcourus lors de ce neuvième jour
de pédalage. Nous montons dans notre
chambre.
Paraty fût peuplée
vers 1533, assaillie par les corsaires anglais et français à l’époque de l’or (XVIIIème
siècle), elle fût aussi l’antre d’expéditions indigènes et son port fût le
théâtre de nombreuses batailles navales. Sitée à peine à
5 mètres au-dessus du niveau de la mer, comptant quelques 33 mille habitants, elle
est fameuse pour ses eaux-de-vie - au XVIIème siècle, elle possédait déjà 150 distilleries
– et en 2003, elle a fait son entrée dans le circuit intellectuel avec le FLIP
(Festival de Littérature International de Paraty).
Nous y resterons
deux jours, sans pédaler et en imposant à nos jambes des mouvements différents.
Nous marcherons dans le sable, plongerons dans la mer et trainerons nos
sandales à travers les rues pavées du Centre Historique de la ville. Paraty a
toujours été pour nous une invitation à assouvir notre gourmandise. La pizza à pâte fine et croquante du Punto Divino, la délicieuse cuisine
thaïlandaise du Thai et les
excellents sorbets italiens sur la place principale
On va se
transformer en mollusques sur la plage. Nous ferons une promenade en bateau
vers les iles de la baie. Nous débarquerons sur l’ile de Catimbau pour y déguster du poulpe à la vinaigrette et boire une
rafraichissante batida de coco saupoudrée
de cannelle. Mais il nous
reste avant cela à planter le drapeau du couple Fuentes/Gillot un peu avant
l’entrée de Paraty, devant la borne de la Route Royale. En réalisant ce que
nous avons fait, nous comprenons la raison de notre plaisir et notre fatigue.
Nous avons
parcouru 650 km en neuf jours et connu un peu plus de 500 ans d’histoire du Brésil
Colonial. Plaisir et fatigue: les deux sentiments sont intrinsèquement mêlés en nous. Nous sommes
tristes de ne pas avoir une autre “destination”, mais nous remercions Garcia Rodrigues d’avoir ouvert le
Vieux Chemin de l’Or. Emus, nous nous embrassons sur la ligne d’arrivée. Ceci était notre
premier voyage en tandem d’une série appelée à connaitre d’autres
épisodes ! ◘ FIN DU JOURNAL
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire