mardi 1 avril 2014

Sur la route Royale au Brésil - L'expo


Une aventure photographique en tandem

 “Sur la Route Royale au Brésil”, de Mathieu Gillot et Viviane Fuentes, est le carnet de route  d’une aventure réalisée sur 2 roues et 4 jambes lors d’un périple traversant 3 états brésiliens : le Minas Gerais, São Paulo et Rio de Janeiro. Montés sur un tandem, construit par Mathieu Gillot, le couple a ainsi revisité et immortalisé à l’aide de photos et de vidéos, un Brésil colonial différent des cartes postales habituelles. 

Du bucolique au baroque, de l’argentique au numérique

L’exposition, riche d’une série de 30  photos inédites en France, montrera un Brésil où l’on passe du rural à l’urbain, de l’art baroque à l’architecture coloniale, où les  chemins pointent vers l’infini et les montagnes se confondent avec le ciel... Deux regards différents se rejoignent ainsi sur un même paysage - Mathieu ayant opté pour un appareil photo analogique et Viviane pour un appareil digital.

Sur le Vieux Chemin de l’or

La Route Royale, longue de 1600 km, a été créée par la Couronne Portugaise afin de transporter l’or et les diamants extraits du Minas Gerais jusqu’à Rio de Janeiro. Elle est composée de 3 chemins :

-    Le Chemin Vieux a été le premier ouvert (avant  les portugais, les indiens « goiamimins » l’avaient déjà utilisé pour communiquer avec le "village d’en haut").

-    Vers 1698, le Chemin Nouveau a été créé afin d’éviter la « contrebande» et  réduire le temps de parcours entre les mines et le port.

-    Reliant la ville d’Ouro Preto à Diamantina, on trouve le Chemin des Diamants.

En tandem sur la Route Royale

Au cours du XVIIe siècle, le parcours entier sur la “Estrada Real” se faisait en convoi, à pied ou à cheval et pouvait durer jusqu’à 35 jours. Trois siècles plus tard, sans GPS, l’écrivaine franco-brésilienne Viviane Fuentes et son mari Mathieu Gillot, chargés de 35 kilos de bagages, ont préféré la parcourir sur le tandem, le Chemin Vieux. Ils sont partis du berceau baroque pour arriver aux eaux tranquilles de Paraty. Le résultat de cette  “odyssée sportive” de 650 km, réalisée en 9 jours, se trouve dans l’exposition “Sur la Route Royale au Brésil”. Contact: expo@veep.com.br

mardi 11 mars 2014

L'exposition


Ouro Preto, "l'Or noir", a été classée au Patrimoine Culturel de l'Humanité par l'Unesco en 1980
L'église São Francisco de Paula (Ouro Preto)
"A tonga da mironga do kabulete": titre de la musique du compositeur brésilien Vinicius de Morais dont le titre c'est en nagô, langue africaine, et de termes plus ou moins magiques issus du candomblé et de la macumba. A lire et écouter!
Musée de l' Inconfidência (ancienne prison) à Ouro Preto/MG
L'homme et le pigeon
Machines à écrire dans une brocante à Minas Gerais
"Varais" de Ouro Preto
La Chapelle Santana, reconstruite par l'architecte Éolo Maia (Hotel Fazenda do Morro)
Fazenda Traituba (Cruzília/MG), une ferme de 200 ans
La maison du martyre  de l' "Inconfidência Mineira" Joaquim José da Silva Xavier (Tiradentes) à Ouro Branco/MG
Perroquet Ara Ararauna à la Fazenda Estalagem
La ville de Tiradentes/MG a préservé ses bâtiments coloniales du XVIII siècle
Les célèbres rues pavées de Tiradentes, une ville cerclée de montagnes
Au XVIII siècle, Tiradentes était la première ville au Brésil à utiliser la voie ferrée
Sertão de Minas, au fond, la Serra de Carrancas
Ypê Violette, l'arbuste typique de Minas Gerais
Les beaux paysages de Minas
Bateau propulsé par moteur de tracteur  (Capela do Saco/MG)
Le "Pesqueiro" à Capela do Saco
Va-t-il pleuvoir?
Est-ce que les "pingas" de Minas Gerais sont comme les "calvados" de la Normandie?
Aller à Caxambu/MG
Carte postale de Minas: Ypê Jeune
Les "saguis" à Paraty (Rio de Janeiro)
La ville de Paraty a été inscrite au Patrimoine de l'Unesco en 1984
Des petites iles à Paraty
L'ile du Catimbau (Paraty/Rio de Janiero)

Après 9 jours passés à pédaler, l'arrivée à la fin de la aventure sur a Route Royale

Mathieu Gillot, le capitaine, Viviane Fuentes, le stoker et le tandem

Journal do samedi 12/08 - 70,42 km pédalés

De Tiradentes à Ouro Branco

Tout a commencé par un e-mail de Mathieu : « Que penserais-tu de faire un voyage en  tandem? Ce sont dix jours à pédaler, une moyenne de 60 km par jour » (le lien de la Estrada Real- Route Royale - était en annexe). J’ai réfléchi de manière assez simpliste ...60 km par jour X 10 jours de pédalage? Banco ! Quatre jours plus tard...
Premier jour de voyage   
                                                           
Nous descendons du bus encore somnolents, le ciel semble être nuageux.   Il est 6h30 du matin, une brise glaciale et paresseuse se fige dans l’air. Timide, Ouro Preto nous sourit. Douze heures plus tôt, à 696 km de là, nous poussions notre tandem jusqu’à la gare routière de São Paulo, le Terminal Tietê, tout en craignant que la compagnie d’autocar qui nous emmènerait à Ouro Preto ne refuse de le transporter. A l’embarquement, nous sommes tombés sur un fonctionnaire bienveillant qui, sans broncher et sans se plaindre de la taille encombrante du vélo, l’a rangé  dans le coffre à bagages du bus avec l’aide de Mathieu – on a retiré les roues et le porte-sacoches afin de disposer le tandem du mieux possible.  Auparavant, nous pédalions le long du fleuve sur la Marginal Tietê (sans doute la partie la plus dangereuse du voyage), en grande tenue de cyclistes, portant trente-cinq kilos de bagages sur le dos, entre fringues, caméras, appareils photos, bidons d’eau, tente et autres sacs de couchage.  
Quelques jours avant, Mathieu avait lu sur Internet le récit de l’expérience d’Antonio Olinto ainsi que celle de José Maurício de Barros qui ont parcouru la Route Royale à vélo. Contaminé par l’idée, il n’a fait ni une ni deux, a imprimé leurs itinéraires et leurs conseils (contenus dans leurs sites respectifs) pour les étudier- ces imprimés nous serviraient de cartes routières. Et c’est comme ça que nous sommes partis de Vila Romana, le quartier dans lequel nous vivions à São Paulo. Sans GPS, mais avec une boussole, nous avons pris le chemin de la gare routière. Le voyage en bus allait durer 11 heures jusqu’à  Ouro Preto, point de départ de notre épopée à travers la Route Royale.
Je n’avais aucune idée précise des endroits où nous allions pédaler. Mathieu avait déjà étudié le parcours, dans son esprit il avait déjà le tracé, le fil conducteur de la « carte », du trajet à parcourir. Quant à moi, le tracé que j’avais à l’esprit ressemblait furieusement à l’image  d’une TV mal réglée. Ce que je savais sur la Route Royale était très vague. Quelques minutes avant d’embarquer en direction du Minas Gerais, assise dans un café, j’avais réalisé la taille du défi qui nous attendait.
Nous ne nous étions pas entrainés, l’échauffement se ferait directement pendant le voyage. Sur le plan sans relief, il semblait qu’il n’y avait que des descentes. Pra baixo todo santo ajuda, pra cima a coisa toda muda” (Dicton populaire brésilien “Vers le bas, tous les saints aident, vers le haut c’est une toute autre chose »). Bref, où ça descend, ça monte !  J’ai analysé les cartes du Vieux chemin de l’or qui se sont en partie révélées à moi. J’ai remarqué  les altitudes indiquées, constatant qu’il y avait beaucoup de collines, et plus de montées que de descentes....Mon estomac s´est noué.   
Je ne savais pas encore que les descentes seraient à couper le souffle.  Sur l’une d’elles, nous atteindrions 90km/h! J’ai décidé d’arrêter de penser pour ne pas être terrifiée, l’unique solution était de pédaler. Le jour suivant se lèverait de toute façon. Un voyage comme celui-ci exige d’être planifié. Il ne suffit pas de s’élancer et se laisser porter par le vent. Etant le stoker (celui qui est assis à l’arrière d’un tandem), je jouis d’une position spéciale: je ne guide pas. Les rênes du destin ne sont pas exactement entre mes mains. La soumission d’une geisha est une vertu importante dans ce cas, cela demande cependant du travail pour l’acquérir, c’en devient presque un art.
Le stoker doit avoir une confiance aveugle en son pilote, le “capitaine”, et d’ailleurs sans ironie aucune, c’est un sport qui peut être pratiqué en toute sécurité par des non-voyants en tant que stoker, sa fonction étant de pédaler, de faire corps avec la bicyclette, d’être l’extension du corps du capitaine et d’être dans le rythme du coup de pédale de celui-ci. Il ne guide jamais. Le guidon est juste un appui pour les mains, singulièrement utile dans les montées. Celui qui dirige donc le tandem, aucun doute là-dessus, c’est le pilote (et ceci n’est pas un pléonasme !), la majorité des prises de décision lui incombent. 

Je suis sourde à 60% de l’oreille droite et j’ai une confiance absolue en Mathieu (de toutes façons, je suis plus en sécurité avec lui à la manœuvre qu’avec moi-même, surtout si l’on considère les différents accidents dont j’ai été victime sur un deux roues, que ce soit en scooter ou à vélo). Bref, vu les pistes accidentées que nous allions devoir parcourir sur la Route Royale, je me suis confortablement installée dans le siège de l’autocar et me suis concentrée sur notre prochaine destination: Ouro Preto.
OURO PRETO

Quelques siècles avant notre arrivée, plus précisément en l’an 1698, de l’or fût découvert sur les flancs des collines et aux abords du Pic do Itacolomi, anciennement connu comme Pic do Itacorumi (dans le langage des indigènes, le tupi- guarani, cela signifie « garçon-pierre »). De cette découverte naquit une ville minière qui, 282 ans après sa fondation, serait inscrite au  Patrimoine Culturel de l’Humanité par l’Unesco (1980). Sa topographie est plane à 5%, vallonnée à 40% et montagneuse à 55%. A l’époque où les Bandeirantes (portugais et paulistanos) décidèrent de s’enrichir et de s’aventurer dans le coin, Ouro Preto s’appelait Vila Rica.
Antonio Dias et le Père Faria furent les précurseurs de la ruée vers l’or. En rétribution de la richesse conquise, on construisit des églises dont le style caractériserait l’architecture de la ville. Ouro Preto était dans la ligne de mire des modernistes de 22 (Mario de Andrade, Oswald de Andrade et son épouse Tarsila Amaral), révélant au monde l’art baroque et certains artistes comme Aleijadinho (de son vrai nom Antônio Francisco Lisboa, sculpteur et architecte portugais connu pour son travail sur de nombreuses églises au Brésil).

L’apogée de l’or eut lieu de 1730 à 1760. Entre guerres (Guerre des Emboabas, 1707, lutte pour la démocratie dans l’aventure de l’or), insurrections (Conjuration minière, 1789), événements historiques tragiques comme la pendaison de Tiradentes (Joaquim José Da Silva Xavier, icône de la conjuration minière) le déclin de l’eldorado survint vers 1763, et l’or redevint poussière. Avec ses 40 mille habitants, 30 ans après sa fondation, la ville reçut le patronyme de Cité impériale Ouro Preto (1883), et s’enorgueillît  d’être la capitale du Minas Gerais jusqu’en 1887. Aujourd’hui, elle compte 60 mille habitants, entre zone urbaine et zone rurale.  
Et nous voilà ici, Mathieu et moi, enfilant nos casques, déchargeant le tandem du bus à la gare routière de l’ancienne Vila Rica, prêts à revivre l’époque où le gouverneur de Rio de Janeiro, Artur de Sá e Menezes, lors d’une plaisanterie fortuite, mordit une pierre noire issue du Pico do Itacolomi et remarqua qu’à l’intérieur apparaissait une chose brillante et dorée.


"VACANCES" A OURO PRETO

Nos bagages sur le dos, nous montons sur le tandem et amorçons une petite descente – le vent nous fouette légèrement  le visage  nous susurrant le mot “vacances”. Afin de dénicher un hôtel pour la nuit, nous ferions une brève promenade sur deux roues à Ouro Preto. Direction le centre historique, nous croisons  quelques écoliers accompagnés par leurs instituteurs, ils doivent avoir une douzaine d’années, portent un uniforme et marchent en file indienne – à leur façon, bien sûr ! – sur un exigu trottoir. Quand ils nous voient dévaler les rues pavées, l’un d’eux  donne un coup de coude à son voisin et se met à crier : 
         — T’as vu mec, ils sont dingues!! – en nous pointant du doigt.

C’est suffisant pour déclencher le vacarme, la vingtaine d’écolier se met à crier avec une énergie puérile, nous faisant signe de la main. Tout en riant, ils nous lancent des phrases du genre : “hé, emmenez-moi avec vous !” “t’as vu, c’est pas  superman, mais ils sont quand même deux sur un vélo!”  “S’il y a de la place pour deux, il y en a pour trois, tu m’emmènes?”, et ils s’amusent de leurs propres blagues. Nous leur sourions,  donnons quelques coups de sonnette puis, au fur et à mesure que le vélo prend de la vitesse, ils disparaissent.

Le tandem attire beaucoup l’attention, surtout celle des enfants – leurs yeux brillent tandis qu’un sourire se fige sur leurs visages lorsqu’ils le voient passer – je crois qu’ils discernent dans ce type de bicyclette la possibilité de pédaler avec leur père en toute sécurité. Amitié et camaraderie. Vraiment? Si tel est le cas, il s’agit du même type de sentiment que je partage avec Mathieu. Nous laissant glisser sur des pentes sinueuses, nous apercevons les collines surplombant la vila rococó. Nous visitons une auberge, un peu à l’écart de l’agitation, charmante et rustique certes, mais les commodités y refoulent une odeur de fumier et de moisi. Nous renonçons.
A présent, nous remontons les côtes que nous venons de descendre, je n’avais jamais roulé sur une route aussi escarpée. Je songe à ce que j’ai lu dans l’un des carnets de route, celui d’Olinto il me semble, que la pire partie du trajet en terme d’altitude est justement la portion que nous allons faire demain - et moi qui peine lamentablement sur quelques  “grimpettes” de Ouro Preto! Mathieu a le sourire collé aux lèvres, j’en viens à penser qu’il risque de contracter une crampe aux joues. Mais oui, demain nous allons affronter les massifs de Serra de Itacolomi, à 1325m d’altitude ainsi que ceux de Serra d’Ouro Branco, culminant pour leur part à 1400 m d’altitude. Je ne savais pas encore que, parfois, les montées ne sont pas forcément suivies de descentes.  
Nous optons finalement pour un hôtel à côté de la gare routière. Il faudra se lever tôt demain pour tracer la route vers Conselheiro Lafaiete et nous pensons qu’il est approprié de rester proche de la sortie de la ville. Nous déchargeons tout. Une fois douchés et changés, je prends la caméra, Mathieu l’appareil photos et nous voilà partis faire un tour en ville. Le ciel s’ouvre  et le soleil apparait. Nous photographions et filmons la ville baroque, et quelques heures de marche plus tard, nous faisons halte dans un sympathique restaurant où une bande d’intellectuels-musiciens ouro-pretanos philosophent sur les partitions musicales. Après avoir déjeuné d’un saumon à la cannelle, nous nous rendons  au centre-ville afin d’acheter des vivres pour le voyage.  
Nous revenons à l’hôtel en fin d’après-midi sous des trombes d’eau. Une violente et bruyante pluie de grêlons de la taille d’une bille s’abat sur la région – nouveau nœud à l’estomac. Nous faisons  une sieste, puis nous préparons  nos affaires. Retour en ville où nous mangeons des pão de queijo (pains de fromage) tout en buvant un chocolat chaud, tout est délicieux. A l’hôtel, nous tombons littéralement de sommeil.  
1º JOUR DE PEDALAGE

Réveil à six heures du matin, Après la douche, nous prenons un copieux petit-déjeuner, fruits, fromage, café, tartines et jus de fruit.  Sans perdre une minute, mais sans aucun stress pour autant,  nous chargeons les bagages sur le   tandem. Sur le parking de l’hôtel, Mathieu attache solidement  les sacoches sur le porte-bagages, je me charge de remplir les gourdes d’eau. Silencieux, comme dans un rituel, nous ressentons une tendre euphorie en notre for intérieur, nos regards se croisent et nous savons exactement ce que chacun doit faire. Il nous faut une heure pour tout préparer.
Nous allons parcourir le Vieux Chemin de l’Or, route qui fût inaugurée par Fernão Dias Paes (Bandeirante pauliste connu comme « le chasseur des émeraudes) au XVIIème siècle lors de ses mirobolantes expéditions, qui pouvaient durer jusqu’à 95 jours, incluant des traversées maritimes à Santos et Rio de Janeiro. Le scénario à l’époque de la ruée vers l’or y était le suivant : des nobles de la cour à cheval, des mules surchargées de marchandises, des esclaves marchant à pied      et des muambeiros (sortes de marchands ambulants, mi-contrebandiers mi-escrocs) découvrant un chemin de traverse pour ne pas déclarer d’impôts à la couronne  – il y eût du trafic jusqu’au XIXème siècle.
Huit heures du matin, nous prenons la route de Conselheiro Lafaiete. Mathieu se guidera grâce au journal de José Maurício de Barros. Nous allons tenter de suivre le même chemin à l’aide également des conseils de cyclotouristes ouro-pretanos. Nous comptons beaucoup sur notre intuition et voulons aussi profiter du climat mineiro. Le temps est nuageux, nous ne savons pas vraiment ce que nous réserve le ciel.  A la sortie de Ouro Preto, nous rencontrons quelques “bikers” mineiros qui s’entrainent en vue d’un important championnat annuel de mountain bike, le « Iron Biker ». Nous échangeons quelques gentillesses puis nous poursuivons notre chemin.   
Au début, nous avons un sentiment étrange. Respirer de l’air pur est presque désagréable (nous habitons dans une ville de  20 millions d’habitants), mais en pédalant, peu à peu les poumons remplissent leur fonction, revigorante sensation de bien-être. Au bout de 10 km de route, je me dis : “C’est pas si difficile que ça !” Au vingt et unième kilomètre, le paysage ne change pas, nous sommes encore sur une large route asphaltée alors que nous devrions déjà être entrés dans le Minas par de petites routes, goudronnées certes mais étroites, que ni les bus ni les  camions n’empruntent, il semble qu’au lieu de nous diriger vers Mariana, nous n’allions vers Belo Horizonte, soit la direction opposée. 
Nous nous arrêtons dans un petit village au bord de la route où l’on nous confirme nos craintes. Un marchand du cru annonce que nous devons faire demi-tour - ajoutant que les ouro-pretanos sont peu enclins à aider les autres, une bande d’arrogants, j’vous jure ! – puis nous explique comment trouver le point de départ. Il nous faudrait pédaler 10 kilomètres de plus que prévu pour revenir sur nos pas, ce qui voulait dire au total 34 kilomètres hors-plan. Dont worry, baby! Pas un nuage dans le ciel, aucun signe de pluie, un vent frais et un soleil léger. Nous ne nous laissons pas incommoder par  le "détour", nous nous promenons.
Nous faisons donc demi-tour. Quelques kilomètres plus loin, nous pénétrons dans le Morro do Itacolomi. Finalement, les voilà ces fameuses collines ! Au début, elles paraissent faciles, mais je me rends vite compte qu’il n’y a pas beaucoup de ligne droite ou de descente, à vrai dire, il n’y en a quasiment pas. Les muscles de mes cuisses sont “rouillés”. Mathieu pédale ferme et moi, inévitablement, je l’accompagne. Mon corps tremble, « la corde de la contrebasse » se tend jusqu’au bord de la rupture lors d’escalades sans fin. Dans les montées, un tandem est plus lent qu’un vélo normal à une place.  
Sur ce trajet, nous ne dépassons pas les 4 Km/h km en montée, et atteignons 77 Km/h en descente. Quand la fatigue se fait sentir, et cela arrive quatre ou cinq fois, nous faisons un break de cinq minutes pour recharger les accus,  mangeant un fruit ou une barre énergétique, buvant beaucoup d’eau et laissant nos regards se perdre dans le paysage :

           — On y va ?     

           — Allez !     

      — Doucement mais sûrement. (Ceci allait devenir notre “leitmotiv” à chaque élévation de route en vue)

En fin de matinée, nous envahissons la Serra de Ouro Branco, à la végétation rampante. Avec notamment une variété d’orchidées, l’Orquídea Sophronitis Brevipendeculata que l’on ne peut trouver nulle part ailleurs dans le monde (tout cela me rappelle « Adaptation » le film des frères Kaufman dans lequel il y avait une ambiance, une atmosphère quasi identique).

A notre grand soulagement, les parties “pentues” sont maintenant derrière nous. Au pied d’une colline, nous apercevons une ferme qui parait également être un hôtel.  Nous avons consommé quatre litres d’eau,  les bidons sont à sec. La lumière du jour s’estompe, nous avons plus de sept heures de pédalage dans les jambes, et bien que n’étant qu’à deux kilomètres de distance de Ouro Branco, épuisés mais heureux, nous jugeons préférable de mettre un terme à notre périple  ici et de poursuivre le lendemain.
Devant l’hôtel, il y a un lac où deux garçons d’une dizaine d’années s’essayent au canoë, ils rament sans cesse mais ne font que tourner en rond, c’est hilarant, mais même ainsi ils s’amusent beaucoup. On entend leurs rires au loin. Nous descendons de vélo pour nous rendre à la réception. L’endroit s’appelle Hotel Fazenda Pé do Morro, très connu dans la région, sauf pour nous. Il y a de la place. Mais il n’y a pas de fatigue dans nos corps. J’ai même la sensation que mes jambes sont d’une fraicheur extrême.    
Aussi étrange que cela puisse paraitre, nous n’avons pas le corps endolori, nous nous sentons très bien – ce qui n’est pas si bizarre que ça en fait, quand on respecte les limites de son corps dans une aventure de ce type, en buvant beaucoup d’eau et s’alimentant bien, comme nous l’avons fait, tous les voyants sont au vert. Nous découvrons un petit coin de paradis situé entre les collines de Ouro Branco, où il semble que l’on peut toucher le ciel.